Le goût de l'eau et de la pierre

Portrait Presse

Depuis dix ans, l’ancien pharmacien d’Aubusson met les Creusois à l’eau, dans des piscines de caractère. Comme lui.

Dans la Creuse de son enfance, il n’y avait pas de piscines. Seulement des lacs et des ruisseaux où l’été, il taquinait la truite en famille . Aujourd’hui, un nombre important de bassins se fondent dans les jardins creusois et celles de caractère, discrètes, cernées de granit parfaitement intégrées, c’est à Luc Nadaud qu’on les doit.
Et avant lui, à son prédécesseur, Pierre Makowiack. Un personnage également. Ancien salarié dans l'édition, il eut l’idée pas si saugrenue de se reconvertir dans la piscine de campagne, par défi (personne ne croyait à son projet) et par amour du coin (sa femme y possédait une maison).

Du comptoir au bassin de nage

Luc Nadaud est pharmacien d'officine lorsqu’il fait connaissance de Pierre en 1993. Même dégaine bohème, esthète sans se la jouer, imbattable pour parler de la chimie de l’eau d’une voix posée, ce fils et petit fils de Creusois est venu s’installer dix ans plus tôt à Vallière avec femme et enfants, après une jeunesse en région parisienne et la direction de deux pharmacies.
Le parcours de Pierre, appelé "Mako", lui parle et son style lui plaît. En souriant, il se souvient «il nous a rendu visite pour un projet de piscine. A peine arrivé et sans même nous saluer, son regard a parcouru le terrain et il a déclaré : je la vois, magnifique, mais attention, ce sera une piscine chicos, pour des chicos, c'est mon créneau. Mais bon, financièrement, je ne sais pas si vous allez pouvoir suivre.» a-t-il ajouté avec un regard amusé. Deux mois après, il commençait à creuser. »
Au décès brutal de Pierre en 2004, Luc venait de vendre sa pharmacie «après dix ans d’officine, j’avais envie d’une nouvelle aventure professionnelle et j’aimais l’idée de reprendre le flambeau derrière Pierre». Il se défie d’apprendre ce nouveau métier. Passionné par l’eau, il valide son diplôme de Technicien des Métiers de la Piscine, apprend la pose de membrane armée, passe son habilitation électrique. Mak’Eau Piscines devient Eaux Loisirs.
Après la vie de comptoir à écouter les gens lui parler de leurs petits tracas quotidiens, le voilà désormais libre comme l’air du pays, à sillonner en utilitaire les routes vallonnées, à l’écoute de Parisiens qui investissent pour inciter les enfants à venir l’été mais aussi des habitants du crû qui aimeraient bien piquer une tête dès les premières chaleurs.

Piscine des champs, piscines des villes

A lui maintenant d’arpenter le terrain, d’observer la vue, l’orientation, les alentours et d’imaginer la meilleure implantation face à une vallée, dans le parc d’une propriété, dans un champ ou encore le petit jardin clos d’une maison de ville.
L’esprit est toujours le même : traditionnel, élégant, solide et discret, dans le style de la région, avec bassin en béton armé, chauffage, jet de nage, volet roulant, systèmes de filtration et désinfection sophistiqués, robot de nettoyage. Les margelles sont en granit et non en pierre reconstituée, le liner (membrane assurant l'étanchéité ) est d'un blanc, gris ou sable, au lieu des bleu et vert traditionnels, ce qui n’empêche pas l’eau d’être couleur ciel. Ici carrelage et mosaïques sont bannis, le gel des hivers rudes les ferait éclater. En 2016, quatre bassins ont impactés le sol Creusois, et en 2017 encore des trous, des gros trous : pas moins de cinq sont en cours d'étude.

Luc Nadaud, sans doute l’unique pharmaco-pisciniste du globe, continue de sillonner sa Creuse, pull troué par le chlore, cheveux en bataille, l’hiver pour construire ses piscines, l’été pour les entretenir. Jusqu’à ce qu’un jour, il soit peut-être tenté par une nouvelle aventure.


Sylvie Barbier
Sylvie Barbier
(2016)

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